Edith STEIN (1891 - 1942)
- Siècle : 20e
- Point de départ : Philosophe juive (assistante de Husserl)
- Préoccupation : elle abandonne les pratiques religieuses juive de son enfance.
- Porte d’entrée dans la vraie religion : la découverte de la vie de Sainte Thérèse d’Avila, lui révèle que Jésus-Christ est la pierre vivante sur laquelle elle pouvait jeter l’ancre.
Édith était la dernière d’une famille israélite allemande. Elle avait six frères plus âgés qu’elle. Sa mère, une femme de mœurs austères, restée veuve encore jeune, élevait ses enfants d’après les règles rigoureuses de l’Ancien Testament. Elle était vénérée chez elle presque comme une sainte, on exécutait ses ordres avec respect et déférence : la parole de la mère était presque comme celle de Dieu.
Édith avait une tendance très marquée pour les études : ayant obtenu sa licence de philosophie en 1917, elle fut choisie comme assistante par le professeur Husserl, de l’Université de Goettingen, dont le système de phénoménologie l’avait conquise.
Édith était jeune, elle avait vingt-six ans, une carrière brillante s’ouvrait devant elle : ses premières publications philosophiques faisaient connaître son nom dans toute l’Allemagne.
Mais il se produisit peut-être aussi chez elle le phénomène qui se vérifie fréquemment chez les esprits les plus avisés : la pensée monte, monte toujours comme en se jouant, dessinant des volutes acrobatiques, et quand elle atteint le sommet de la montagne, elle s’aperçoit que là commence le vide. En ce temps-là, Edith écrivait en effet : « La philosophie est une façon de marcher au-dessus de l’abîme. »
Ces déceptions intellectuelles sont terribles, ce sont comme des gouffres ténébreux qui s’ouvrent brusquement en un prétendu étincellement de lumière.
Désorientée et bouleversée, Edith commença à abandonner les pratiques religieuses de son enfance.
« Je ne priais plus, écrivait-elle, ma seule prière était une soif ardente de vérité. »
Tel était son état d’âme lorsqu’elle fit une rencontre décisive. Dans la bibliothèque d’une de ses amies, elle fit connaissance avec l’un des plus grands penseurs de l’Occident : sainte Thérèse d’Avila. La vie de la Sainte, écrite par elle-même, lue avec un intérêt insoupçonné, mais toujours plus grand, lui révéla ce qu’elle cherchait depuis longtemps : Jésus-Christ, la Pierre vivante sur laquelle elle pouvait « jeter son ancre ».
Ayant dévoré l’ouvrage, elle se dit : « La vérité absolue est là. » Et elle se fit catholique. Elle reçut le Baptême en 1922, pour le jour de l’an.
Une conversion de la religion juive demande beaucoup de courage et de force. Il ne s’agit pas, comme dans les conversions du protestantisme, d’un esprit qui croit déjà au Christ et revient à la maison de son Père. Il s’agit d’embrasser un nouveau Credo qui admet comme vérité de base la foi dans la divinité du Christ niée par la religion juive comme postulat fondamental. De plus, renoncer au judaïsme signifie moralement, et même matériellement, être proscrit de tout un monde; se séparer inexorablement d’une famille et de toute une communauté de parents, d’amis, de connaissances.
Edith fit ce pas décisif en pleine connaissance de cause, avec un courage viril, pour adhérer à la vérité qui lui était apparue après une recherche angoissante et douloureuse.
Sa famille en fut toute bouleversée.
La jeune convertie confia à genoux sa résolution à sa mère, prête à tous les anathèmes, sûre d’être répudiée, chassée de chez elle et peut-être maudite.
La mère était la seule dans la famille à avoir quelque peu soupçonné le drame qui se jouait dans l’âme de sa fille. Mais à cette révélation elle crut qu’elle allait se trouver mal. Elle ne répondit rien : son silence fut le plus grand désaveu. Elle pleura. C’était la première fois qu'Edith voyait pleurer sa mère. Les attentions, les prévenances, la tendresse de sa fille furent inutiles : froide, passive, brisée par la douleur, la femme acceptait tout.
A la maison, il n’y avait plus place pour la convertie, comme il n’y avait plus place pour elle dans le cœur de sa mère.
Il fallait partir. Le jour des adieux, Edith resta longtemps debout derrière la chaise de sa mère, la tenant dans ses bras sans dire un mot. Elles se quittèrent également sans rien se dire.
Comme sainte Thérèse, elle se fit Carmélite, sous le nom de Sœur Thérèse-Benedetta della Croce.
Aux premières manifestations de la persécution nazie contre les Juifs, en 1933, dans la veillée d’une nuit d’avril, nous trouvons Sœur Thérèse prosternée en prière dans le Carmel de Koeln-Lindenthal :
« J’ai parlé avec le Sauveur. J’ai compris que la croix qui est sur le point de tomber en ce moment sur le peuple juif est « sa » croix. Cela, beaucoup ne l’ont pas compris, mais ceux qui le comprennent ont le devoir de l’accepter au nom de tous. Moi, je voudrais le faire. Dieu doit seulement m’indiquer comment. Quand j’ai eu terminé ma prière, j’ai eu intérieurement la certitude d’avoir été exaucée. Mais je ne savais pas encore de quelle façon j’allais porter la croix de Jésus. »
L’ex-enfant juive a vu jusqu’au fond le mystère douloureux qui pèse sur son peuple. Pour ce peuple qu’elle aime, elle veut s’offrir en holocauste, en expiant son incrédulité séculaire. Elle veut souffrir pour lui comme si elle était chargée d’une mission supérieure, d’une mission divine : celle de ramener dans le troupeau du Christ les brebis égarées.
On fit partir de nuit Sœur Thérèse-Benedetta pour rejoindre un monastère carmélite de Hollande, dans le petit village d'Echt.
Mais le danger s’étendit là-haut aussi avec l’occupation allemande en Hollande.
Un jour, des hommes de la Gestapo pénétrèrent dans le couvent à l’heure de la prière, prirent Sœur Thérèse-Benedetta et l’emmenèrent.
Elle fut déportée avec d’autres Juifs, des hommes, des femmes et des ecclésiastiques dans les lager de l’Allemagne orientale, où elle partagea les humiliations, le jeûne, les souffrances de ses frères de race. Profitant d’une occasion fortuite, elle écrivit à sa supérieure :
« Je suis contente de tout. On ne comprend la science de la croix que lorsqu’on l’expérimente sur soi-même. Dès le début, j’ai su ce qui m’attend et je répète : Ave, Crux, spes unica ! »
Des lager, les déportés poursuivirent leur route vers les « camps de la mort ».
A partir de ce jour-là, on n’a plus rien su d’Edith Stein.
Mais son souvenir est resté comme un étendard. Sur ses traces, de très nombreux Juifs se sont faits catholiques. Elle a indiqué la route. Elle a eu le courage d’offrir sa vie pour la rédemption de son peuple ; elle a eu le « don » de pénétrer le rapport entre l’histoire de son peuple et la croix du Christ.
Le problème juif a trouvé une solution en elle, philosophe, croyante, martyre.
D’après l’ouvrage de Giovanni Rossi « Uomini incontro a Christo»
Assise, Edizioni pro Civitate Cristiana.
Traduction Traqués par Dieu, Paris, 1951
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