Kenneth SIMON (1909- ?)
- Siècle : 20e
- Point de départ : élevé dans la religion juive, il l’abandonne pour la science moderne.
- Préoccupation : il découvre que l’amour de la nouveauté nous pousse à rejeter les anciennes vérités pour de nouvelles erreurs.
- Porte d’entrée dans la vraie religion : la certitude que l’Église catholique est la seule à posséder toute la vérité religieuse.
« Je suis né à New-York le 6 août 1909 de parents juifs et j’ai reçu ma première formation religieuse à la Synagogue israélite réformée (de tendance libérale). Cette première formation fut telle qu’elle m’inspira une grande admiration pour mon peuple persécuté et souvent condamné à mort parce qu’il se refusait à trahir sa foi. ... Moi non plus je ne me convertirai jamais ; jamais je n’abandonnerai ma religion, malgré toutes les persécutions. En devenant catholique, j’ai tenu cette première promesse. »
Kenneth Simon, est devenu P. Marie-Raphaël, moine Trappiste de l’abbaye américaine de la Vallée, dans l’État de Rhode-Island.
C’est un homme moderne : il écrit, et c’est, de plus, un médecin et un savant. Il a connu et pénétré tous les problèmes actuels ; il a senti l’appel et l’attrait des théories les plus étranges et les plus audacieuses. Il a vécu dans les grandes métropoles : New-York, Chicago, Berlin ; il a beaucoup voyagé en Amérique et en Europe. Il a fréquenté trois Universités notoires, se tenant en contact avec de célèbres professeurs de philosophie et de logique, de médecine et de psychanalyse ; il a eu le réconfort et le soutien d’amis très fidèles qui furent, eux aussi, ses compagnons de recherche : ils connurent finalement la joie de toucher ensemble au port. Il a atteint son but, mais a dû d’abord se libérer du poids de ses erreurs et de ses doutes, de l’accumulation des contradictions et des hésitations dont ce monde moderne, agnostique et pseudo-scientifique l’avait peu à peu encombré. Les arguments de Voltaire contre un Dieu « personnel » lui avaient paru justes et intelligents et lui avaient fait adopter une attitude de mépris envers toutes les religions. La théorie matérialiste affirmant que les capricieuses relations sexuelles sont des choses naturelles et innocentes comme le boire et le manger et que, ce qui compte, c’est d’éviter les excès, était acceptée par lui sans dégoût apparent. De plus, il croyait qu’il était dangereux de refréner les pensées et les désirs de toute sorte, même s’ils n’étaient pas raisonnables, afin de ne pas se créer des « complexes psychiques ».
Mais, peu à peu, le même motif qui le conduisait à ces confusions, à ces aberrations et à ces égarements lui communique le désir et l’enthousiasme pour l’ultime recherche : celle qui seule compte. C’est l’homme moderne, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui vibre en lui et reste encore fondamentalement honnête et qui, dans son désir de vérité et de paix, lui fait achever sa route jusqu’au bout.
Ses errements d’abord inconsidérés et plus tard sa route bien disciplinée furent inspirés à Simon par l’intuition instinctive que la vie humaine ne peut pas ne pas avoir quelque but important. Toutefois, pendant bien des années, l’idée que cette fin suprême pût être Dieu ne se présenta jamais de façon constante à son esprit. Dans son enfance, il est vrai, la lecture de l’Ancien Testament lui avait donné l’impression d’un Dieu qui habitait avec son peuple et s’entretenait avec lui. Mais à mesure que les années passaient et qu’il avançait dans ses études, ces impressions ne furent ni renforcées ni confirmées par l’enseignement des rabbins. Bien au contraire même. Pour eux, et au bout d’un certain temps, pour Simon aussi, c’était bien un Dieu du passé ; il n’y avait plus dans le monde un Moïse ou un Samuel auquel il parlait et il répondait. D’autre part, des certitudes ultérieures tomberont aussi : les rabbins de la Synagogue réformée mettaient en doute l’inspiration de la Sainte Écriture, ils affirmaient qu’il n’était pas nécessaire de croire à l’origine commune d’Adam et d’Eve, et certains parmi eux déclaraient que les miracles de Moïse étaient des phénomènes naturels.
A la vieille religion, en tant que force intérieure, succéda un nouvel idéal : la science moderne. Mais cet idéal aussi commença à se briser au fur et à mesure que passaient les années. Son expérience personnelle lui permettait de constater que « plus la connaissance s’accumulait, moins l’ordre prévalait en elle ».
Un de ses amis de l’Université, Juif lui aussi, puis converti au catholicisme, l’introduit alors en de plus hautes sphères. Il lui parle des maîtres de la science — qui ne peut être ni ancienne ni moderne parce qu’elle est une et immuable. Les maîtres grecs sur le terrain philosophique, les chrétiens dans le domaine philosopho-théologique lui présentent « la vérité ». « Je commençai à comprendre plus clairement tout ce dont j’avais eu une vague idée lors de mon séjour à Berlin : la science moderne n’a ajouté aucune connaissance notoire à la logique, à la métaphysique, à l’éthique et à la théologie naturelle justement parce que leurs objets — raison, être, actes humains, Dieu, — n’étant pas perceptibles aux instruments matériels, étaient accessibles de façon évidente aux anciens comme à nous. Je compris alors comment notre amour même de l’originalité et de la nouveauté et notre conviction d’avoir dépassé les connaissances de nos prédécesseurs nous poussent à rejeter les anciennes vérités pour de nouvelles erreurs. »
Dès lors, Aristote et saint Thomas d’Aquin deviennent ses guides principaux. Ce sont de grands chercheurs, des travailleurs honnêtes et intègres, d’habiles créateurs de formules, des inventeurs audacieux. Comme Virgile le fit pour Dante, ils montrent à ce fils égaré du siècle là route par laquelle il faut passer pour revoir les étoiles et pour retrouver Dieu.
C’est à peu près à cette époque que, dans sa recherche de la vérité, Simon entend le premier appel de l’Église catholique. Et ce qui l’attire vers elle, c’est précisément son dogmatisme : sa certitude de posséder toute la vérité religieuse, le fait qu’elle revendique d’être la seule autorité infaillible. « Les protestants étaient divisés en des centaines de sectes dissidentes, la religion judaïque se proclamait la religion des seuls Israélites, mais l’Église catholique proposait sa foi comme la seule religion divine et invitait tous les hommes à l’accepter. »
Il est intéressant de noter que jusqu’à ce point de sa route Simon n’avait encore approché aucun prêtre catholique. Son travail avait été intérieur et solitaire. Il était arrivé à ces certitudes à l’aide de sa raison et en méditant sur les textes des philosophes de l’antiquité et du moyen âge.
Lorsque, en 1936, Dieu lui donnera l’illumination suprême qui sera suivie sans tarder de son entrée dans l’Église, Simon pourra offrir au Seigneur un hommage d’autant plus raisonnable, malgré tous les nombreux mystères qu’il accepte humblement.
Il ne voulait pas trahir là religion de ses pères, la tradition d’Abraham et d’Isaac, de Moïse et de David, et c’est justement en devenant catholique qu’il tint parole à cette résolution primitive. Car depuis dix-neuf siècles le judaïsme ne trouve son complément naturel et sa consécration que dans l’Église de Celui qui est venu pour rétablir l’antique alliance entre Dieu et l’humanité : Christ, gloire du peuple d’Israël, lumière qui révèle cette gloire à tous.
D’après l’ouvrage de Giovanni Rossi « Uomini incontro a Christo »
Assise, Edizioni pro Civitate Cristiana.
Traduction Traqués par Dieu, Paris, 1951
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