Joseph FADELLE
- Siècle : 21e
- Point de départ : Moussaoui est un jeune musulman; issu d'un milieu privilégié il ignore presque tout du christianisme.
- Préoccupation : son collègue de chambrée, chrétien, l’incite à lire et à comprendre le Coran. Moussaoui découvre alors que le Coran est rempli de contradictions et qu’un ayatollah ne sait ni ne peut les expliquer
- Porte d’entrée dans la vraie religion : Jésus lui apparait en rêve et l’aide à franchir un ruisseau en lui tendant la main en lui disant: « Pour franchir le ruisseau, il faut que tu manges le pain de vie »
Jeune musulman de 23 ans, issu d'un milieu très privilégié. Mohammed Moussaoui ignore presque tout du christianisme. Son esprit est nourri de préjugés.
Les chrétiens sont considérés comme des parias impurs, des moins que rien avec qui il faut éviter à tout prix de se mélanger. Dans le Coran qu’il récite chaque jour depuis sa plus tendre enfance, ce sont des hérétiques qui adorent trois dieux.
Première rencontre d’un chrétien
C'est pourquoi, lorsque l'intendant du régiment lui apprend qu'il doit partager une chambrée avec un chrétien, Massoud, la frayeur l'envahit.
Le comportement équilibré de Massoud, son instruction, son langage distingué, abattent les préjugés du jeune homme qui n'hésite plus à discuter avec lui.
Pendant une absence de son compagnon de chambre, il est attiré par le titre prometteur d'un livre de Massoud : Les miracles de Jésus.
Jamais, dans mes précédents livres, je n’ai entendu parler de miracles, et encore moins d’un dénommé Jésus. Même dans le Coran, ou dans la vie de Mahomet, je ne me souviens d’aucune allusion à ce genre de manifestations. Plus que les faits eux-mêmes, ce qui m’attire, m’intrigue, c’est le personnage de Jésus, qui me procure, sans trop que je sache pourquoi, une joie bienfaisante.
Peu à peu, la personne de Notre-Seigneur va saisir l'âme de Moussaoui. Lorsque celui-ci demande à consulter la Bible, dans l'intention de démontrer à son compagnon la supériorité de l'islam, Massoud a la sagesse de lui répondre :
- Pour l’instant, je ne vais pas t’amener la Bible. Je vais d’abord te poser une question, une seule, et tu vas me répondre franchement. As-tu lu le Coran ?
- Bien sûr, bondis-je, tu me prends pour un mécréant, un mauvais musulman ?
- Mais est-ce que tu l’as vraiment lu ? insiste doucement Massoud.
- Je te dis que je l’ai lu, et je le lis même en entier tous les ans, pendant le Ramadan
- Et tu as compris le sens de chaque mot, de chaque verset ?
Moussaoui doit reconnaître en lui-même que ce n'est pas le cas. Il nous révèle en quoi consiste cette lecture du Coran :
Les imams m’ont toujours enseigné que c’est la lecture du Coran de bout en bout qui sera récompensée au jour du jugement, beaucoup plus que la compréhension du texte. Ainsi, le déchiffrage d’une seule lettre permet d’avancer dans la piété, de gagner dix indulgences, même si on ne saisit pas le sens du mot entier. Avec ce calcul, chaque musulman est bien assuré d’atteindre le paradis !
Massoud propose alors un marché : Si tu veux que je t’apporte l’Évangile, c’est d’accord, mais je mets quand même une petite condition : tu vas d’abord relire le Coran en essayant vraiment d’en déchiffrer le sens avec ton intelligence, et sois honnête avec toi-même, ne triche pas...
Découverte du vrai Coran
Cette lecture, semaine après semaine, va semer le doute dans l'esprit du jeune musulman, jusqu'à lui faire perdre la « foi » en l'islam.
Je ne saisis pas l’insistance du Coran à définir la supériorité et le pouvoir des hommes sur les femmes, considérées la plupart du temps comme des inférieures, possédant la moitié du cerveau d’un homme.
Moussaoui profite d'une permission pour interroger un ayatollah, c'est-à-dire un docteur chiite, considéré comme expert en matière d'islam.
Je lui soumets cet autre verset difficile à avaler, qui dispose que les femmes sont la propriété des hommes : « Vos femmes sont un champ de labour pour vous, allez- y comme vous l’entendez » (sourate 2, 223). Ce qui signifie que les hommes peuvent faire d’elles ce qu’ils veulent, pour mon imam, c’est cela qui explique pourquoi le Coran a interdit l’adoption. Je trouve, pour ma part, qu’il y a là une curieuse manière de démontrer ce qui est bon ou pas, en prenant tour à tour le prophète Mahomet comme exemple ou comme contre-exemple !
La vie du prophète Mahomet, qui auparavant me semblait pleine de gloire et d’habileté, ne m’est plus une consolation. Dans ma tristesse, j’y vois au contraire une accumulation d’adultères, de vols. Comment cet homme peut-il être un homme de Dieu ? Comment peut-il demander à une femme qui perd son mari d’attendre trois mois et dix jours avant de se remarier, quand lui- même a épousé une femme le jour même où elle a perdu son mari, assassiné en compagnie de six cents personnes par les soins du prophète ?
Quelques mois plus tard, lors d'une dernière consultation, l’ayatollah conclut en me demandant de ne plus venir le voir. « Tes questions, me dit-il, sont trop difficiles et trop fatigantes pour moi. [...] Laisse donc de côté toutes ces questions de théologie, c’est trop compliqué et cela ne te servira à rien. »
Cela ne m’a pas vraiment éclairé, mais j’ai appris une chose au moins : il est désormais inutile de chercher plus loin des réponses dans l’islam.
La « foi » du jeune homme en l'islam fléchit ainsi de plus en plus, mais non sa foi en Dieu.
La conversion
Pour opérer cette conversion, Notre-Seigneur va d'abord se révéler à lui mystérieusement dans un rêve, très beau.
Ce rêve me place au bord d’un ruisseau, pas très large, à peine un mètre. Sur l’autre rive, un personnage d’une quarantaine d’années, plutôt grand, vêtu d’un vêtement beige d’une seule pièce, à l’orientale, sans col. Et je me sens irrésistiblement poussé vers cet homme, par l’envie de passer de l’autre côté pour le rencontrer.
Alors que je commence à enjamber le ruisseau, je me retrouve suspendu dans les airs, pendant quelques minutes qui me paraissent une éternité.
Comme s’il avait senti mon malaise grandissant, l’homme d’en face me tend la main, pour me permettre de franchir le cours d’eau et d’atterrir à côté de lui.
Je suis frappé par sa beauté.
Posant sur moi un regard d’une douceur infinie, l’homme m’adresse lentement une seule parole, énigmatique, au timbre de voix rassurant et invitatoire : « Pour franchir le ruisseau, il faut que tu manges le pain de vie ».
Le lendemain, son compagnon de chambre, revenu de permission, lui apporte le saint Évangile. En le lisant, le jeune homme ne voit pas passer les heures. Il en arrive au chapitre 6 de l'Évangile selon saint Jean, où il trouve ces mêmes mots de « pain de vie »...
Il se passe en moi quelque chose d’extraordinaire, comme une déflagration violente qui emporte tout sur son passage, accompagnée d’une sensation de bien-être et de chaleur...Comme si tout à coup, une lumière éclatante éclairait ma vie d’une façon entièrement nouvelle et lui donnait tout son sens. J’ai l’impression d’être ivre, alors que monte dans mon cœur un sentiment d’une force inouïe, une passion presque violente et amoureuse pour ce Jésus-Christ dont parlent les Évangiles.
A son retour chez les siens, fin 1987, il commence sa quête du baptême en frappant à la porte des églises catholiques. Il lui faudra six ans pour trouver un prêtre qui accepte de l'instruire, tant la crainte tenaille les chrétiens iraquiens.
Comme me l’explique un prêtre plus compréhensif que les autres, même dans le régime laïc de Saddam, accueillir un musulman dans une église peut valoir accusation de prosélytisme. Et en Iraq, le prosélytisme signifie la mort, pour celui qui le pratique comme pour le musulman qui l’écoute.
Mais un jour, la famille apprend sa conversion et c'est le début de la persécution pour ce foyer qui compte deux enfants en bas âge.
Fatwa
Le jeune homme est frappé et lié par ses frères ; sa propre mère éructe des paroles d’une violence inouïe : « Tuez-le et jetez-le dans le Basel [canal souterrain qui draine l’eau salée]. » Ma mère signifie ainsi très clairement qu’elle veut effacer toute trace de mon existence, me retrancher de sa mémoire.
Il est consternant de constater combien l'islam peut pervertir l'instinct maternel. Le christianisme, au contraire, conduit à l'amour héroïque des ennemis.
Il est ensuite traduit devant l'ayatollah Mohammed Sadr, la plus haute autorité chiite en Iraq, qui prononce le verdict :
S’il se confirme qu’il est chrétien, alors il faudra le tuer, et Allah récompensera celui qui accomplira cette fatwa .
Ses frères le conduisent ensuite dans la plus terrible prison de Bagdad qui détient les opposants au régime. Il y subit des tortures tous les jours, ou presque, pendant trois mois, pour lui faire avouer quelles églises et quels chrétiens il a fréquentés.
La grâce de Notre-Seigneur lui donne la force de tenir bon et opère en lui une purification féconde.
Exil
Un an après sa libération, en octobre 1999, le père Gabriel lui ordonne de quitter l'Iraq, pour sauver sa vie et aussi celles des chrétiens de la communauté. Après de nombreuses péripéties, il arrive à atteindre la Jordanie voisine, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants. Là ils reçoivent le saint baptême.
Mais son oncle et ses frères le retrouvent et n'hésitent pas à tirer sur lui pour en finir. Par miracle, dans sa fuite, seule une balle l'atteint, dans le mollet. Cependant, Fadelle étant clandestin en Jordanie, toutes les cliniques, même chrétiennes, refusent de l'opérer : un blessé par balle attirerait l'attention de la police. Dieu ajoute alors un nouveau miracle en faisant ressortir la balle en un instant, sans opération médicale, à la stupéfaction des médecins présents. Cette balle ne fut jamais retrouvée.
Enfin, après un peu plus d'un an de séjour en Jordanie, Joseph Fadelle et les siens doivent s'enfuir de nouveau, vers la France cette fois, avec maintes difficultés et angoisses, déchirés de quitter l'Orient.
Joseph FADELLE, Le Prix à payer, Paris, éditions de l'Œuvre, 2010.
D’après le sel de la terre n° 76, abrégé par nos soins
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