Douglas Beaumont
- Siècle : 20e
- Point de départ : protestantisme.
- Préoccupation : la faillite du libre examen.
- Porte d’entrée dans la vraie religion : un passage de saint Thomas lui fit prendre conscience que le protestantisme détruit radicalement la foi.
Douglas Beaumont, a été étudiant puis professeur dans un séminaire protestant : le Southern Evangelical Seminar (SES).
Ce centre d’apologétique protestante a été fondé par les pasteurs Ross Rhoads et Norman Geisler en 1992. Il fait preuve d’une largeur d’esprit peu commune chez les champions du libre examen, puisqu’il met certaines œuvres de saint Thomas d’Aquin entre les mains de ses étudiants ! Ayant expérimenté la solidité philosophique du Docteur commun, les professeurs du SES enseignent en effet la philosophie de saint Thomas (ou, du moins, quelque chose qui s’en approche), tout en mettant sévèrement en garde contre sa théologie papiste.
Ce contact avec l’Ange de l’école aura de grandes conséquences pour certains étudiants du SES. Mais c’est une autre expérience qui frappe d’abord Douglas Beaumont. Engagé à la fois dans l’organisation du séminaire et dans l’« Église » protestante qui y est jointe, il constate l’impossibilité d’y maintenir une vraie unité :
L’incapacité de l’évangélicalisme à régler avec autorité les problèmes de foi et de morale devint aveuglante lorsque je vis ce qui aurait été la meilleure Église imaginable tomber en morceaux sous mes yeux en à peine quelques années. Si les enseignants, les étudiants et la direction d’un séminaire de formation évangélicaliste n’étaient pas capables de maintenir unie leur propre Église, quelle chance d’y parvenir pourrait avoir n’importe qui d’autre ?
Un mouvement où, par principe, chacun peut faire ce qui lui paraît bon sans jamais dépendre d’une autorité réellement contraignante permet d’ailleurs toutes les dérives.
Pour réussir dans le courant évangélicaliste, il faut tout simplement être populaire. Dans un système où les meneurs s’auto-proclament, et où l’autorité est basée sur l’opinion collective des masses, les pasteurs évangélicalistes ne peuvent avoir du succès qu’en attirant puis en fidélisant une base de fans. Et, comme dans la société civile, cela nécessite souvent des compromis (pour garder les fans) ou des controverses (pour chasser ceux qui ne sont pas fans). […] Faute d’une règle objective qui fasse autorité sur la façon de diriger, le narcissisme s’est tacitement imposé et le despotisme est souvent devenu la norme.
Douglas Beaumont expérimente la faillite du grand principe protestant : Sola Scriptura (pas d’autre autorité que la Bible).
En plus, il saisit que la Bible ne peut pas s’imposer d’elle-même, car la question du canon des Écritures – l’identification des livres sacrés qui composent la Bible – se pose de façon cruciale à tout protestant. Pourquoi admettre tel et tel livre plutôt que tel autre ? Qui a fixé la liste ? Un de ses collègues protestants, amateur de paradoxes, définit la Bible comme « une collection faillible de livres infaillibles »
Or en creusant cette question troublante, Douglas découvre que la même Église qui a fixé avec autorité le canon des Écritures enseignait déjà, en même temps, et de façon très nette, toute la doctrine catholique que les protestants refusent. Pourquoi donc faire confiance à l’Église pour la transmission des livres saints mais pas sur le reste ?
Par ailleurs, l’étude des docteurs catholiques (notamment saint Augustin et saint Thomas d’Aquin) lui fait découvrir un catholicisme très différent de ce qu’il imaginait. Jusque-là, il appliquait inconsciemment la règle implicite fondamentale du protestantisme : ABC – Anything But Catholic (tout sauf catholique). Mais plus il étudie, plus il se sent proche des doctrines catholiques. Au printemps 2013, il se prend lui-même en flagrant délit de chercher une bonne raison pour ne pas se convertir. Il en conclut qu’il doit faire ce pas décisif.
Dans un entretien accordé au Catholic World Report, Beaumont a raconté comment un passage de saint Thomas lui fit prendre conscience que le protestantisme détruit radicalement la foi :
Je me souviens très nettement du fait : je lisais la section de la Somme sur la foi des hérétiques (II-II, q. 5, a. 3) et j’ai vu avec surprise que, pour Thomas, même la foi de l’hérétique en des choses vraies est fausse. J’ai lu son explication. La foi étant, par définition, une confiance en l’autorité, il suffit de rejeter n’importe quel enseignement de cette autorité pour que la prétendue foi ne soit plus qu’une simple opinion personnelle, vraie seulement par accident. J’ai été stupéfait. Je me souviens avoir fixé le texte et avoir lentement pris conscience que cela décrivait exactement ma foi, telle qu’elle m’avait été enseignée, et telle que je l’avais enseignée aux autres. En enseignant que la foi est une conviction personnelle fondée sur l’étude personnelle, je conduisais littéralement les gens à ne pas avoir la foi ! Ce fut un moment de clarté terrible mais j’ai véritablement aimé découvrir cela. C’est alors que j’ai su que je ne pouvais pas demeurer protestant.
D'après Douglas M. Beaumont (ed.),
Evangelical Exodus – Evangelical seminarians and their paths to Rome,
San Francisco, Ignatius Press, 2016, 264 p.
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